Homosyntaxismes et OuLiPo, atelier d'écriture mensuel de L'escriMot
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L'escriMot
mensuel
atelier
d'écriture
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HOMOSYNTAXISMES
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Pour
une même syntaxe, pour une même construction, une multitude de
textes différents
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En
linguistique, domaine qui permet l'étude des éléments constitutifs
et du fonctionnement d'une langue, la syntaxe fait partie de
la grammaire, au même titre que la phonétique (et la phonologie),
la lexicologie (ou l'étymologie), et la morphologie (l'étude des
morphèmes). Selon une tendance plus récente, la réalité
linguistique englobe trois domaines au lieu de quatre : la
sémantique, la stylistique et la pragmatique.
L'homosyntaxisme,
mot composé à partir du latin « syntaxis » (ordre,
arrangement des mots) et du grec « homos » (semblable, le
même), est un exercice oulipien qui appartient à la
famille des homomorphismes (qui comprend, selon le choix de la
structure : les homovocalismes, les homophonies, et les
homoconsonantismes).
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OUVROIR
DE LITTÉRATURE POTENTIELLE
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L'OuLiPo,
pour Ouvroir de Littérature Potentielle, est
un atelier d'expérimentation littéraire qui cherche à réintroduire
la notion de contrainte formelle dans l'art
d'écrire (palindromes,
lipogrammes, structures mathématiques, géométriques,
homomorphismes,
etc.).
C'est
à la pleine
époque des
recherches formalistes en
littérature et
au
début du Nouveau Roman de
Robbe‑Grillet,
que
François
Le Lionnais (1901‑1984,
mathématicien)
et
Raymond Queneau (1903‑1976, écrivain,
auteur
de Zazie
dans le métro, académicien
Goncourt en 1951)
fondent
l'OuLiPo
en novembre 1960 :
« toute
œuvre littéraire se construit à partir d'une inspiration (...)
qui est tenue à s'accommoder tant bien que mal d'une série de
contraintes ou de procédés ».
Il
est possible de composer des textes qui auront des qualités
poétiques, surréalistes, fantaisistes ou autres, sans avoir de
qualités potentielles. Ainsi, il y a deux LiPos :
une analytique et une synthétique. La LiPo
analytique recherche des possibilités qui se trouvent chez certains
auteurs sans qu'ils y aient pensé. La LiPo
synthétique constitue la grande mission de l'OuliPo,
il s'agit d'ouvrir de nouvelles possibilités inconnues des anciens
auteurs.
Le
but de la littérature potentielle est de fournir aux écrivains
futurs des techniques nouvelles qui puissent réserver l'inspiration
de leur affectivité ; d'où
la nécessité d'une certaine liberté. Les
travaux et les recherches de l'OuLiPo proposent un nombre
considérable d'exercices littéraires, exercices à découvrir ou à
redécouvrir.
L'OuliPoPo,
Ouvroir de Littérature
Policière
Potentielle,
créé en 1973,
et l'OuPeinPo, Ouvroir de Peinture
Potentielle,
créé en 1980,
appliquent des méthodes similaires dans leurs domaines respectifs.
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UN
TEXTE-SOURCE
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L'exercice
appelé homosyntaxisme consiste à produire un texte qui imite la
syntaxe d'un texte‑souche, ou texte‑source, en
reproduisant la succession des verbes (V),
des substantifs (S)
et des adjectifs (A).
Exemple :
« J'ouvre
la porte »/Verbe‑Substantif/« Là‑bas,
au loin, hurle (V)
un
loup (S) ».
L'homosyntaxisme
en soi constitue une contrainte trop légère pour être réellement
intéressante ; on peut la rendre plus attrayante en lui
ajoutant des règles supplémentaires : produire un texte
homosyntaxique le plus éloigné possible du texte‑souche ;
dans le cas d'un vers, respecter la métrique, etc.
Exemple
d'un texte‑souche en poésie, avec un extrait de : Poème
de l'amour (1924), d'Anna de Noailles (1876‑1933),
Paris, A. Fayard, p. 17 :
« Que
crains‑tu ? L'excès ?
l'abondance
D'un
cœur où tout vient s'engloutir ?
Tu
crains ma voix, mon pas qui danse ?
Pourtant,
j'ai si peur de meurtrir,
Même
de loin, ta nonchalance !
Ma
main se prive de saisir
Ta
belle main qui se balance.
Tu
vois, je me tiens à distance,
Renonçant
au moindre plaisir…
- Va,
tu peux avoir confiance
Dans
les êtres de grand désir ! »
Exemple
d'un texte‑souche en prose, avec un extrait de : Le
Rivage des Syrtes (1951), de Julien Gracq
(1910‑2007), Paris, Librairie José Corti, pp 24‑25 :
« La
chambre des cartes.
Plus
que partout ailleurs, il était aisé à l'Amirauté de se convaincre
de tout ce que comportait de désuet la mesquine politique
d’espionnage en faveur de la Seigneurie. L'image d’une
irrémédiable décadence tenait dans le coup d’œil qui, du haut
de la tour des signaux, plongeait sur la « base des Syrtes ».
En
face de la forteresse, une jetée croulante et envahie par l'herbe
fermait un port médiocre, au fond duquel découvraient à marée
basse de grandes vasières. À l'extrémité élargie du môle se
dressait la pyramide d'un énorme tas de charbon ; on y puisait
si rarement que des herbes folles, et même de petits arbrisseaux,
avaient fini par le coloniser, l'apprivoiser au paysage comme les
collines aux formes étranges des terrils de mine abandonnés. (…)
Ainsi
voyait‑on désormais le capitaine
Marino, plus souvent que sur la passerelle du Redoutable,
botté et éperonné partir de bon matin pour de longues tournées à
cheval à travers les steppes, aux prises avec l'âpreté des
fermiers dans d'épineuses discussions de logement et de gages, où
le marin cédait de plus en plus la place au régisseur d'une
paisible entreprise de défrichement. Tout ce qui touchait au budget
et aux bureaux de comptes en était venu ainsi à tenir, dans les
préoccupations de tous à l’Amirauté, une place essentielle :
la base des Syrtes était devenue une bizarre entreprise rentable,
qui s'enorgueillissait devant les bureaux de la capitale de ses
bénéfices plus que de ses faits d'armes ; la tenue méticuleuse
des comptes et la location judicieuse de la main‑d’œuvre
étaient devenues peu à peu la pierre de touche à laquelle la
Seigneurie jugeait les capacités de ses officiers. »
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Consigne :
relever la syntaxe d'un
des deux extraits
de texte ci‑dessus
(V pour verbe, S pour substantif et
A pour adjectif). Ensuite, en
reprenant la même succession de V,
de S
et de A,
écrire un texte dont
le sens et la forme seront le plus éloignés
possible du texte‑souche ; pour cela, on peut ajouter des
prépositions (devant, en, avant, dans, pour, etc.) ou des adverbes
(aussi, beaucoup, hier, ailleurs, volontiers, jamais, probablement,
etc.).
Avec
le
premier paragraphe
de l'extrait en prose :
La
chambre (S)
des
cartes (S).
Plus
que partout ailleurs, il était aisé (V)
à l'Amirauté (S) de se
convaincre (V) de tout ce que
comportait (V) de désuet (A)
la mesquine (A)
politique (S)
d’espionnage (S) en
faveur (S) de la
Seigneurie (S). L'image (S)
d’une irrémédiable (A)
décadence (S) tenait (V)
dans le coup d’œil (S)
qui, du haut (S) de la
tour (S) des signaux (S),
plongeait (V) sur la
« base (S) des
Syrtes (S) ».
Et
sa syntaxe : SS. VSVVAASSSS. SASVSSSSVSS.
Cela
pourrait donner ces trois textes produits par
homosyntaxisme :
Texte
1 :
L'archéologue
du temps, ici et là, probablement n'importe où, depuis toujours.
Il
fut un temps, passé à arpenter, insouciant et heureux, le monde à
la mesure du pas de l'homme. L'archéologue inquiet du temps,
constate la minceur des strates et la pâleur du passé, tandis que
s'épouvantent les mots et les choses.
Texte
2 :
Moins
qu'une couleur, plus qu'un jeu.
Voir
une peau avant de la sentir et de la toucher, blanche ou cuivrée,
semblable à une rose ou à un saxophone, à un châle ou à un hâle.
Ma peau, épaisse, ton derme effleure mes poils de pêche, parce que
sous les manières et la courtoisie percent nos désirs et nos
envies.
Texte
3 :
La
musique ? Tout un art.
Celui
de combiner des sons et de les réglementer, d'organiser, harmonieuse
et sonore, une durée avec des éléments, des instruments, des notes
et des organes. La musique ? impuissante à l'expression, elle
installe un ordre entre l'homme, l'univers et le temps ; elle
matérialise le couronnement des arts.
Etc.
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Site
internet officiel de l'OuLiPo :
Oulipo.net.
Toutes
les définitions, explicitations, points de vue et citations qui
précèdent sont extraites des ouvrages suivants :
► BEAUMARCHAIS
(Jean-Pierre
de),
COUTY (Daniel),
REY (Alain),
Dictionnaire
des littératures de langue française,
nouvelle
édition mise à jour et enrichie, Paris,
Bordas, 1994,
4 vol.,
t. 3,
p. 1794.
► GREVISSE
(Maurice),
GOOSSE
(André),
Le
bon usage : grammaire française, 13ème édition,
Paris, Louvain-la-Neuve,
Duculot,
1993,
p. 7.
► OULIPO,
Atlas
de
littérature
potentielle,
Paris, Gallimard, 2007 (Folio Essais), pp. 159-160.
► Le
Petit Robert des noms propres,
nouvelle
édition refondue et augmentée, 2007.
Mail :
lescrimot@gmail.com
Tous
droits de reproduction, de
représentation et d'adaptation
réservés. © L'escriMot
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