L'antonyme d'une épanadiplose ? une anadiplose ; ni une anaphore ni une épiphore ni une épanaphore, encore moins une polysyndète ou une épanode ; plutôt une espèce particulière d'épanalepse, semblable à un pantoum


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L'ANADIPLOSE
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« Et lui, que pense-t-il de tout ça ?
— Ce qu'il pense de tout ça ?… Je n'en ai pas la moindre idée. »
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« La répétition est un principe créateur universel régissant toute communication depuis l'unité minimale du signifiant [signes, lettres, sons] jusqu'aux ensembles les plus larges (un récit entier par exemple). Ses fonctions s'étendent de la mnémotechnie [art d'aider la mémoire par des procédés particuliers] jusqu'à l'imitation de la structure circulaire du monde » note Véronique Klauber dans son article intitulé Répétition (procédés de, rhétorique), dans l'édition numérique de l'Encyclopædia Universalis, (2008-2009).
« La répétition est facilement reconnaissable, et la rhétorique ne s'en émeut guère sauf si elle s'applique aux mêmes signifiés [contenu des signes] à travers des signifiants dissemblables [manifestations matérielles des signes], la plupart du temps par substitution ou par mise en rapport de contiguïté.
Ces cas-là sont soigneusement répertoriés sous les rubriques des tropes et des figures comme la comparaison, l'allusion, l'allégorie, etc. La stylistique ne s'inquiète que de la limite entre redondance fâcheuse et plus-value esthétique, puisqu'elle peut assurer la réception optimale du message comme elle peut aussi procurer une charge émotionnelle à ce dernier.
(…) Pour la rhétorique classique, la répétition est un phénomène lié à l'espace du texte : Fontanier1 parle d'anaphore [« Tendre épouse, c'est toi qu'appelait son amour, Toi qu'il pleurait la nuit, Toi qu'il pleurait le jour » Les Géorgiques de Virgile (livre IV), traduction de Jacques Delille (1770) ; « Rome, l'unique objet de mon ressentiment ; / Rome, à qui vient ton bras d'immoler mon amant ; Rome, qui t'a vu naître et que ton cœur adore ; / Rome enfin que je hais, parce qu'elle t'honore. » Horace (acte IV, scène 6) de Jean Corneille] pour la réitération d'un terme en début de phrase, et d'épiphore [« Qu'est-ce qu'elles sont belles ces fleurs ! Tu me les donnes, tes fleurs ? Ah ! elles ne sont pas à toi ces fleurs… Et alors, que vas-tu en faire ?... »] pour la répétition d'un terme à la fin de la phrase ou d'une section de la période [une période est une longue phrase bâtie sur le parallélisme entre les idées, par la réinsertion des termes de même sens, et par sa forme rythmique]. »
Si l'on reprend en début de phrase les mots qui terminent la phrase précédente, il s'agit alors d'une anadiplose [« Et lui, que pense-t-il de tout ça ? — Ce qu'il pense de tout ça ?... Je n'en ai pas la moindre idée. »]. La réduplication d'un mot sert à souligner l'idée qu'il porte, la seconde occurrence peut introduire un nouveau motif (remotivation) ou une correction.
Si la réduplication ne concerne que des conjonctions, la rhétorique parle de polysyndète [« Il a tout perdu dans cet incendie : il a perdu sa maison, et sa voiture, et ses animaux de compagnie ! aucun n'en réchappa…, et son exploitation, et ses animaux de ferme, et même sa volière, sa chère volière, qu'il essaya de sauver jusqu'au dernier moment. »].
Si la répétition concerne le mot ou l'expression situé-e au début de chaque phrase d'un paragraphe ou de chaque membre d'une très longue phrase, on parle d'épanaphore [« Au cours de sa vie, si on n'aime qu'un homme : on est une épouse fidèle ; si on en aime plusieurs : on est une catin ; si on n'en aime aucun, on est soit homosexuelle soit une sainte »].
Si l'on reprend tour à tour plusieurs mots précédents, en développant l'idée contenue dans chacun d'entre eux : « Il est stupide, coupable et ridicule ; coupable parce que…, stupide parce que…, ridicule parce que... », on parle alors d'épanode.
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UNE ESPÈCE PARTICULIÈRE D'ÉPANALEPSE
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Alors que l'anadiplose concerne la répétition d'un mot ou d'un groupe de mots à la fin d'une proposition puis au début de la proposition suivante (« Et lui, que pense-t-il de tout ça ? — Ce qu'il pense de tout ça ?... Je n'en ai pas la moindre idée. » ; « Il est bête, bête il restera »), l'épanadiplose est une figure de mots qui se fait lorsque, de deux propositions corrélatives, l'une commence et l'autre finit par le même mot (« Rome l'interdisant, qu'irait-il faire à Rome ? » Horace (acte IV, scène 5) de Jean Corneille).
L'anadiplose et l'épanadiplose (ou encore épanastrophe d'après Littré) sont des formes particulières d'épanalepse.
Une épanalepse en didactique est la répétition d'un mot ou d'un groupe de mots dans des unités syntaxiques (phrases) successives ; c'est la répétition d'un ou de plusieurs mots après une interruption d'un ou de plusieurs mots : « Ô flots que vous savez de lugubres histoires ! Flots profonds redoutés des mères à genoux » Les Rayons et les ombres (1840) de Victor Hugo.
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LE PANTOUM
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Voici venir les temps où, vibrant sur sa tige,
Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir ;
Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir ;
Valse mélancolique et langoureux vertige !

Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir ;
Le violon frémit comme un cœur qu'on afflige ;
Valse mélancolique et langoureux vertige !
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir.

Le violon frémit comme un cœur qu'on afflige ;
Un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir !
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir ;
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige…

Un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir,
Du passé lumineux recueille tout vestige !
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige…
Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir !

Harmonie du soir, dans Les Fleurs du mal (1857), de Charles Baudelaire (Paris, Pour les cent bibliophiles, 1899, p. 123).

Un pantoum (pantouN pour Littré), est un poème à forme fixe, composé de quatrains à rimes croisées (un quatrain est un poème constitué de quatre strophes de quatre vers chacune ; des rimes croisées ont la forme suivante : abab), dans lesquels le deuxième et le quatrième vers sont repris par le premier et le troisième vers de la strophe suivante, le dernier vers du poème reprenant en principe le vers initial.

Trois petits pâtés, ma chemise brûle.
Monsieur le curé n'aime pas les os.
Ma cousine est blonde, elle a nom Ursule,
Que n'émigrons-nous vers les Palaiseaux.

Ma cousine est blonde, elle a nom Ursule.
On dirait d'un cher glaïeul sur les eaux
Vivent le muguet et la campanule !
Dodo, l'enfant do, chantez, doux fuseaux.

Que n'émigrons-nous vers les Palaiseaux.
Trois petits pâtés, un point et virgule ;
On dirait d'un cher glaïeul sur les eaux
Vivent le muguet et la campanule.

Trois petits pâtés, un point et virgule
Dodo, l'enfant do, chantez, doux fuseaux.
La libellule erre parmi les roseaux.
Monsieur le curé, ma chemise brûle.

Pantoum négligé, dans Jadis et naguère (1884) de Paul Verlaine (Paris, L. Vanier, 1884, p. 105).

Les Romantiques, les Parnassiens (Théophile Gautier ; Théodore de Banville ; Leconte de Lisle, Pantouns malais, dans Poèmes tragiques, 1884), les Symbolistes (René Ghil Le Pantoum des pantoums, 1901) ont pratiqué l'art du pantoum, ainsi que Baudelaire (Harmonie du soir, dans les Fleurs du mal, 1857) ou encore Paul Verlaine (Pantoum négligé, dans Jadis et Naguère, 1884).
Le mot provient d'un mot malais de même forme désignant un poème à forme fixe, composé d'une série de quatrains à rimes croisées ; les deuxième et quatrième vers d'une strophe sont repris par les premier et troisième vers de la strophe suivante.
Le pantoum, dont l'origine est controversée, a été révélé en France par Victor Hugo dans une traduction donnée en note dans Les Orientales (1829) de Pantoum ou chant malais :

Les papillons jouent à l'entour sur leurs ailes ;
Ils volent vers la mer, près de la chaîne des rochers.
Mon cœur s'est senti malade dans ma poitrine,
Depuis mes premiers jours jusqu'à l'heure présente.

Ils volent vers la mer, près de la chaîne des rochers...
Le vautour dirige son essor vers Bandam.
Depuis mes premiers jours jusqu'à l'heure présente,
J'ai admiré bien des jeunes gens.

Le vautour dirige son essor vers Bandam…
Et laisse tomber de ses plumes à Patani.
J'ai admiré bien des jeunes gens.
Mais nul n'est à comparer à l'objet de mon choix.

Il laisse tomber de ses plumes à Patani…
Voici deux jeunes pigeons !
Aucun jeune homme ne peut se comparer à celui de mon choix,
Habile comme il l'est à toucher le cœur.
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NOTE
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1. Après avoir édité en 1818 le Commentaire des tropes de Du Marsais (grammairien français, 1676-1756, qui contribua grandement à l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert), Pierre Fontanier (1768-1844) est l'auteur de deux ouvrages sur les figures du discours : Manuel classique pour l'étude des tropes (1821), et Des figures autres que tropes (1827). Adopté comme manuel dans l'enseignement public, son Traité général et complet des figures du discours fait parfois considérer son auteur comme le fondateur de la rhétorique moderne.
On a pu dire, plusieurs générations avant le structuralisme de Jakobson (linguiste américain d'origine russe, 1896-1982, et auteur d'une œuvre considérable qui porte sur tous les domaines de la linguistique), que Fontanier établit un « modèle perceptif spatialisé » fait de contiguïté (métonymie), d'intersection (synecdoque) et de superposition (métaphore).
Mais cette lecture un peu partisane et soucieuse de fonder l'hégémonie de la métaphore a été récusée par Gérard Genette (critique littéraire et poéticien français, 1930-, qui introduisit dans l'étude littéraire des exigences inédites de systématicité et d'élucidation notionnelle) ; Genette a réédité les deux ouvrages de Fontanier sous le titre Les Figures du discours (1968), ouvrage qui maintient l'égalité des trois types de figures, effectivement autonomes pour l'auteur.
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et maintenant, place à l'élaboration d'un texte court...
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Insérer quelques anadiploses, lorsque cela est possible, dans le texte suivant, extrait de : Ourika, de Claire de Duras (Paris, L. Hachette, 1853, p. 197).
Claire de Duras est une femme de lettres du début du XIXe siècle (1778-1829), qui tenait « un salon distingué par la tournure en même temps aristocratique et libérale, sérieuse et affable, de l'esprit qui y régnait ». Amie de Chateaubriand et de madame de Staël, avec laquelle elle entretenait « un commerce de lettres » (Portraits de femmes, par C.-A. Sainte-Beuve, Paris, Garnier frères, 1886, p. 67), Ourika est son premier roman, paru en 1823. Suivirent Édouard (1825), Frère Ange, Olivier, puis Les Mémoires de Sophie.
Je fus rapportée du Sénégal, à l'âge de deux ans, par M. le chevalier de B..., qui en était gouverneur. Il eut pitié de moi, un jour qu'il voyait embarquer des esclaves sur un bâtiment négrier qui allait bientôt quitter le port : ma mère était morte, et on m'emportait dans le vaisseau, malgré mes cris. M. de B... m'acheta, et, à son arrivée en France, il me donna à Mme la maréchale de B..., sa tante, la personne la plus aimable de son temps, et celle qui sut réunir aux qualités les plus élevées la bonté la plus touchante. Me sauver de l'esclavage, me choisir pour bienfaitrice Mme de B..., c'était me donner deux fois la vie : je fus ingrate envers la Providence en n'étant point heureuse ; et cependant le bonheur résulte-t-il toujours de ces dons de l'intelligence ? Je croirais plutôt le contraire : il faut payer le bienfait de savoir par le désir d'ignorer.
Cela pourrait donner ceci :
Je fus rapportée du Sénégal, le Sénégal que je n'ai plus revu depuis l'âge de deux ans, par M. le chevalier de B..., qui en était gouverneur. Ce gouverneur au grand cœur eut pitié de moi, un jour qu'il voyait embarquer des esclaves sur un bâtiment négrier qui allait bientôt quitter le port : ma mère était morte, et on m'emportait dans le vaisseau, malgré mes cris. M. de B... m'acheta, et, à son arrivée en France, il me donna à Mme la maréchale de B..., sa tante ; sa tante !... la personne la plus aimable de son temps, et celle qui sut réunir aux qualités les plus élevées la bonté la plus touchante.
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BIBLIOGRAPHIE
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DUBOIS (Jean), GIACOMO (Mathée), [et al.], Dictionnaire de linguistique et des sciences du langage, Paris, Larousse, 1999 (collection Expression), pp182‑183.
Encyclopædia Universalis, 2008-2009, édition numérique, 1 CD-ROM, articles intitulés : Répétition (procédés de, rhétorique), de Véronique KLAUBER ; Fontanier Pierre, de Robert SCTRICK.
Le Grand Robert de la langue française, 2ème édition, Paris : Dictionnaires Le Robert, 2001, 6 vol., t. 3, p. 64, t. 5, p. 1168.
LITTRÉ (Paul-Émile), Dictionnaire de la langue française, nouvelle édition, Chicago, Encyclopædia Britannica Inc., 1991 (réimpression de l'édition de 1880), 6 vol. + 1 supplément, t. 2, p. 2161.
Le Petit Robert des noms propres, nouvelle édition refondue et augmentée, 2007.
REY (Alain, dir.), Dictionnaire historique de la langue française, nouvelle édition, Paris, Dictionnaires Le Robert, 1993, 2 vol., p. 1417.

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