L'annomination : paronomase et paronymes, une équivalence sonore presque totale (atelier d'écriture mensuel de L'escriMot)




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L'escriMot mensuel
atelier d'écriture

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L'ANNOMINATION
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« Elle n'avait jamais cessé de penser à ce jardin luxurieux [pour luxuriant], et pourtant il faudrait mieux [pour il vaudrait mieux] qu'elle l'oubliât. »
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Une annomination (du latin « adnominatio » avec « ad- » qui signifie « vers, en direction de », mais aussi « le rapport, la comparaison », et « nominatio » « nommer ») est une figure de rhétorique qui consiste en une sorte de jeu de mots : sur un groupe de mots (exemple : « Les circonvolutions cervicales [pour cérébrales] font comme des saillies sinueuses à la surface de son cervelet »), ou sur un nom propre par traduction ou par dérivation.
Par exemple : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église », extrait de l'Évangile de saint Matthieu,
ou encore : « O Roméo ! Tu te tais, mais si je criais son nom d'amour / Comme l'on jette / Dans l'eau muette / Un caillou lourd », extrait de Vestigia flammae (1921), d'Henri de Régnier1, où la répétition d'un phonème à travers plusieurs mots (ici la rime en -ette) suggère un mot essentiel à l'idée centrale (ici Juliette, prénom dont l'appel a été amorcé par Roméo, couple célébré pour l'impossibilité de son amour).
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PARONOMASE ET PARONYMES
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L'annomination a pour synonyme la paronomase ; la paronomase est une figure de rhétorique qui consiste à rapprocher des mots qui présentent soit une similarité phonique, soit une parenté étymologique ou formelle (exemples : « Qui se ressemble, s'assemble », « Les aimants s'étirent » au lieu de : s'attirent). Ces mots ainsi qualifiés sont appelés mots paronymes.
La paronomase fut très en vogue à la Renaissance. Exemple avec cet extrait de Gargantua (1534)2, de Rabelais : « Troubler ainsi le service divin ; — Mais (dit le moine) le service du vin [...] ».
Le mot « paronyme » est un terme masculin, employé en tant que nom commun ou en tant qu'adjectif ; le mot vient (1789) du grec « paronumos », qui signifie « qui porte un nom semblable, qui dérive d'un autre nom », formé avec « para- » (« à côté de ») et « onoma » (« le nom »). On en a dérivé l'adjectif « paronymique » (1829), employé dans l'expression « attraction paronymique » (1951) lorsque l'on attribue un même sens à des mots phonétiquement voisins, et le nom féminin « la paronymie » (1868), qui se dit du caractère des mots paronymes.
Des paronymes sont des mots phonétiquement voisins, homonymes à un phonème près. Exemples : conjecture-conjoncture, éminent-imminent, « Aujourd'hui, j'ai déjeuné avec le précepteur de mon fils, dit un homme à son ami, qui lui réplique : Moi, je ne déjeunerai jamais avec mon percepteur, je lui dois trop d'argent ».
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UNE ÉQUIVALENCE SONORE PRESQUE TOTALE
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Des paronymes sont deux mots proches l'un de l'autre par leur forme, avec une équivalence sonore presque totale, plus totale que celle de l'assonance (« J'ai appris la vie lorsqu'il a souri »), de la rime (« Nos balles qui trouent / Des mottes de boue / Retournées partout / Partout sous la houe »), de l'allitération (« Dans la rumeur de la ville me revient le rare souvenir d'une romance ») ou de l'homéotéleute (« À tout prendre - car il n'est pas un tendre - il est décidé à se défendre avant de se rendre »), mais moins totale que celle des homonymes (« Il était une fois dans la ville de Foix, un vendeur de foie de mauvaise foi qui avait les foies : cet homme avait la phobie de l'obscurité »).
Des mots paronymes sont deux mots dont la signification est très éloignée, deux mots que l'on confond souvent et que l'on prend facilement l'un pour l'autre : acception-acceptation, allocation-allocution, armistice-amnistie, allusion-illusion, collision-collusion, justesse-justice, luxure‑luxation, précepteur-percepteur, prodige-prodigue, recouvrir-recouvrer, parotide‑carotide, etc.
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NOTES
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1. Henri de Régnier est un écrivain français (1864-1936), dont l’œuvre poétique fut d'abord influencée par l'esthétique du Parnasse et par celle du symbolisme (Les Jeux rustiques et divins, ouvrage paru en 1897, empreint de pudeur et de mélancolie tout en étant marqué par de remarquables réussites du vers libre), avant de revenir à la prosodie classique : Les Médailles d'argile (1900), La Cité des eaux (1902), Vestigia flammae (1921), etc. Romancier au style élégant et volontiers archaïque, et auteur de La Double maîtresse (1900), Le Bon plaisir (1902), La Pécheresse (1920), il fut nommé à l'Académie française en 1911.
2. La Vie inestimable du grand Gargantua (1534), est un roman de François Rabelais, qui, bien qu'écrit postérieurement au Pantagruel (1532), constitue le livre I du cycle rabelaisien. Composé d'épisodes variés, bouffons ou satiriques, qui relatent la vie du géant Gargantua, fils de Grandgousier et père de Pantagruel, ce récit livre un enseignement précieux sur l'idéal humaniste de l'auteur. Inspiré d'un ensemble de récits « populaires » (Les Chroniques gargantuines), l'ouvrage fut publié sous le pseudonyme d'Alcofribas Nasier (anagramme de F-r-a-n-ç-o-i-s-R-a-b-e-l-a-i-s).
Admirateur des textes de l'Antiquité, défenseur des thèses de l'évangélisme, pacifiste qui soutient l'idée de la guerre défensive, médecin, François Rabelais est un écrivain français (vers 1483-1553) dont la vie est mal connue dans ses détails. Préconisant à travers son œuvre un bonheur selon la nature, un équilibre entre le corps et l'esprit obtenu par une pédagogie renouvelée, l'invention verbale incomparablement riche et comique de l'auteur, qui plonge les géants Gargantua et Pantagruel, ainsi que les personnages comme Frère Jean ou Panurge, dans des situations cocasses, dénote une immense ivresse de la parole et du savoir. Elle révèle une perception du monde à la fois passionnée et jamais dupe et a fourni à la langue française bien des néologismes aujourd'hui restés dans l'usage.
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et maintenant, place à l'élaboration d'un texte court et d'un poème...
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1. Construire un petit poème à partir d'un des deux mots suivants : marguerite ou rose (à la fois nom commun de fleur et prénom féminin), avec des rimes en -ite ou en -ose, en ne mentionnant le prénom qu'à la fin du poème.
Avec Rose, cela pourrait donner ceci :
J'ose.
Je glose,
quelque chose,
un pas-grand-chose.
Aujourd'hui,
comme une apothéose
et sans aucune pause,
une ode pour toi je compose,
qu'à tes pieds je dépose.
J'espère être ton virtuose
car tu es ma grandiose,
ma symbiose,
mon osmose,
ma Rose.

2. Ensuite, écrire un texte assez court en utilisant plusieurs mots paronymes tout en essayant de créer une situation comique. Cela pourrait donner le dialogue de sourds qui suit :
Deux vieux amis se rencontrent dans la rue et se confient leurs préoccupations du moment :
- Je cherche un précepteur pour ma fille, dit l'un.
- Moi c'est mon percepteur qui m'a trouvé…, lui répond l'autre, en songeant au redressement fiscal qui lui avait coûté cher, trop cher...
- Qu'est devenu votre cher prodige ? Vous avez bien un fils qui a le même âge que ma fille ? il me semble... ; un virtuose peut-être ? Ou bien un génie…
- Effectivement dans ma jeunesse, j'avais un enfant. Un sacré phénomène… prodigue et dilapidateur, prodigieusement dépensier, si vous voyez ce que je veux dire...
- Non, je ne vois pas à quoi vous faites allusion.
- Ah ça ! Je ne me fais plus aucune illusion.
- Et pourtant qui se ressemble s'assemble. Vous avez hérité de votre père d'une petite fortune si je ne me trompe pas...
- Mon fils n'a jamais rassemblé la famille lorsqu'elle en avait besoin. Maintenant nous sommes tous éparpillés aux quatre vents…
- C'est ce qui arrive à quatre-vingt pour cent des familles, ces derniers temps, ne vous inquiétez pas.
- Vous ne m'enquiquinez pas, au contraire, j'aime bien votre conversation.
- Oui, vous aussi, vous êtes bien conservé pour votre âge…
Etc.
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BIBLIOGRAPHIE
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Tous les points de vue, toutes les définitions, les explicitations et les citations qui précèdent sont extraits des ouvrages suivants :
DUBOIS (Jean), GIACOMO (Mathée), [et al.], Dictionnaire de linguistique et des sciences du langage, Paris, Larousse, 1999 (collection Expression), p. 37 et 349.
Encyclopædia Universalis, 2008-2009, édition numérique, 1 CD-ROM, article intitulé : Paronomase (rhétorique), de Véronique KLAUBER.
Le Grand Robert de la langue française, 2ème édition, Paris : Dictionnaires Le Robert, 2001, 6 vol., t. 5, p. 258.
GREVISSE (Maurice), GOOSSE (André), Le bon usage : grammaire française, 13ème édition, Paris, Louvain-la-Neuve, Duculot, 1993, p. 262.
LITTRÉ (Paul-Émile), Dictionnaire de la langue française, nouvelle édition, Chicago, Encyclopædia Britannica Inc., 1991 (réimpression de l'édition de 1880), 6 vol. + 1 supplément, t. 1, p. 223.
Le Petit Robert des noms propres, nouvelle édition refondue et augmentée, 2007.
REY (Alain, dir.), Dictionnaire historique de la langue française, nouvelle édition, Paris, Dictionnaires Le Robert, 1993, 2 vol., p. 1434.
WARNANT (Léon), Dictionnaire des rimes orales et écrites, nouvelle édition, Paris, Larousse, 1994.



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