Depuis la traductio et la figura etymologica, jusqu'au doublet étymologique (atelier d'écriture mensuel de L'escriMot)




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L'escriMot mensuel
atelier d'écriture

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TRADUCTIO
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Le médecin avertit son patient : « Cet hôpital n'était pas un hôtel ! »
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Le nom féminin « traductio » est un mot latin qui a donné « traduction », sans en avoir le sens. Il a d'abord signifié « fait de livrer » (XIIIe siècle), puis « fait de recevoir un grand personnage » (1511), puis « fait de traduire en justice » (1794). Parallèlement, le développement sémantique de « traduction » en français se spécialise (1543) au sens de « passage dans une autre langue ». Par métonymie, le nom s'applique au texte transposé dans une autre langue (1585), et a développé, en relation avec le verbe « traduire » le sens figuré d'« expression, transposition » (vers 1783).
La traductio (et non pas traductiON) est une figure de style qui consiste en la répétition d'un mot ou d'un groupe de mots, dans un vers ou dans une phrase, mais avec une variation grammaticale : « Tel est pris qui croyait prendre » (où le verbe « prendre » est employé tantôt sous sa forme active, tantôt sous sa forme passive avec son participe passé « pris »), « Mon sourire était plein de malice, mais quand même, j'ai souris » (où le mot « sourire » est employé tantôt sous sa forme nominale, tantôt sous sa forme verbale). En tant que jeu de mots, cette figure de style est proche de la paronomase (« Les circonvolutions cervicales » [au lieu de cérébrales]).
Mais tandis que la paronomase joue sur la confusion des sonorités et du sens des mots, la traductio joue sur l'ajout d'une nuance : la répétition des sonorités et la répétition morphosyntaxique d'un même mot introduisent une nuance dans la compréhension globale de la phrase.
On parle aussi de traductio, lorsque dans une phrase, on constate une répétition de mots ayant une même racine1 étymologique : « C'est en forgeant qu'on devient forgeron » (forger et forgeron sont issus tous les deux du latin fabricare),
ou qui semblent avoir une même racine étymologique, exemple « Les circonvolutions cérébrales ne sont ni cervicales ni du cervelas », où l'adjectif « cérébral » vient du latin cerebrum (cerveau), tandis que l'adjectif « cervical » est le dérivé savant d'un autre mot latin cervix (cou, nuque), et que le nom masculin « cervelas » est un emprunt à l'italien cervellato ;
autre exemple : « Toute banane banale sera exposée sur un banc », où le mot « banane » provient du bantou de Guinée par le portugais (1562), où « banal » se rapproche du latin bannalis (1032), et où « banc » est un mot emprunté au germanique bank (1050).
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FIGURA ETYMOLOGICA ET
DOUBLET ÉTYMOLOGIQUE
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Dans le cas où l'on constate une répétition de mots ayant une même racine étymologique, la traductio se rapproche de la figura etymologica (en latin), en français : la figure étymologique.
Une figure étymologique est une figure de style, qui consiste en la réunion dans une construction syntaxique de mots apparentés par l'étymologie1 ou par le sens : « Vivre sa vie » ; la traductio est un exemple de figure étymologique.
Lorsque deux mots pris dans une même phrase ont une même racine étymologique, mais sont de forme différente, on parle de doublet étymologique : exemple avec « hôpital » et « hôtel », qui sont tous les deux issus d'un même mot du bas latin hospitalis (hospitalis domus : maison hospitalière, où l'on reçoit et loge gratuitement les étrangers et les passants) mais de forme et de signification différentes : « lieu où l'on soigne les blessés et les malades » pour l'un, « maison garnie et payante où descendent les voyageurs » pour l'autre ;
exemple avec « rédemption » et « rançon », tous deux issus du latin redemptio (action de racheter, de délivrer), mais signifiant « action de favoriser le salut de quelqu'un, de se racheter, au sens religieux ou moral » pour l'un, et « prix exigé pour la libération d'un prisonnier », ou au figuré « inconvénient par lequel on paie un avantage, un plaisir ou un honneur » pour l'autre.
Le doublet étymologique se caractérise par l'emploi de deux mots de formes et de significations différentes, mais ayant la même étymologie : « Le ciel était serein lorsqu'il entama sa sérénade », « Ce natif de Nice était tellement naïf qu'il rata son examen », « Un père oublia de doter richement sa fille, bien que celle-ci soit douée d'une grande beauté ». Les doublets peuvent provenir d'un même mot latin, l'un étant de formation savante (rédemption et rançon, de redemptio ; frêle et fragile, de fragilis), de l'introduction d'une forme étrangère (emprunt) de même origine latine (digital et ), de la coexistence d'un cas sujet et d'un cas régime (ou complément) dans l'ancien français (sire et seigneur).
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NOTE
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1. L'étymologie est l'étude de l'origine et de l'évolution des unités du lexique (mots, locutions, etc.), depuis leur état le plus anciennement accessible. Pour les anciens, l'étymologie était la recherche du sens authentique des mots. L'étymologie moderne, née dans la deuxième moitié du XIXe siècle, est fondée sur les lois phonétiques et sémantiques, l'étude des sons et des significations.
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et maintenant, place à l'élaboration d'un texte court...
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Parsemer le texte suivant de traductio ou de doublet étymologique, lorsque cela est possible ; le texte est extrait de : Caline (1883), de Zénaïde Fleuriot (Paris, Hachette, 1901, pp. 1-2).
Un rien l'agite, un rien la trouble ; mais non pas dans tous les domaines. Elle est d'acier pour tous les événements du dehors, de pierre pour les catastrophes du dedans. Que les Turcs et les Russes et autres barbares se détruisent en des batailles sanglantes, que les explorateurs soient égorgés ou empoisonnés, que la force brutale triomphe partout du droit, que le génie soit méconnu, la patrie outragée, Mme Billardeau n'en éprouve pas le plus léger saisissement.
Tout cela, c'est l'élément dramatique indispensable qui vient de temps en temps relever la fadeur de la vie, comme le piment relève certaines de ses sauces ; mais cela n'émeut pas une fibre chez cette aimable dame tirée à quatre épingles. Et cependant un rien l'agite, un rien la trouble. Oui, mais dans son domaine privé, dans sa maison, dans son Paris. Elle a un Paris à elle, un Paris élégant, artistique, confortable, satisfait, où elle est née, où elle a vécu, où elle mène sa vie élégante et factice. Elle se doute bien qu'il y en a un autre moins élégant, moins artistique, moins confortable, moins satisfait; mois pourquoi ne pas oublier celui-là ?
Son mari, qui a été député, l'a toujours engagée à considérer ce Paris-là comme un enfant frondeur, emporté, fou, qui fait des scènes de temps en temps, mais qu'on finit par morigéner. Elle ne le connaît pas d'ailleurs, elle ne l'a jamais vu ; une dame ainsi tirée à quatre épingles ne se commet pas dans les choses populaires. Elle n'aime Paris que lorsqu'il ne bouge pas ; Paris-volcan lui est demeuré étranger. Aux dernières convulsions, elle a été une des premières à s'enfuir, et elle est allée visiter la Suisse en compagnie de son mari, qu'elle a su arracher à toutes les fournaises. Ses voyages se rattachent presque tous aux accès de rage de son cher Paris. Pour peu que cela continue, il lui aura donné le loisir de visiter toute l'Europe.
Mais là où elle n'entend avoir ni convulsions, ni tempêtes, ni même secousses, si légères qu'elles soient, c'est dans son ménage, un ménage modèle, où l'égoïsme est installé sur un bon pied, de façon à établir une sorte de quarantaine entre les deux époux et le monde où tout ne va pas comme sur des roulettes... si toutefois ce monde existe.
Aussi est-elle fort émue, le dimanche, à l'issue de ce paisible déjeuner qui s'est terminé par un aveu vraiment terrible de M. Billardeau.
Avec le premier paragraphe, cela pourrait donner ceci :
Un rien l'agite, un rien la trouble, et cette agitation est loin d'être feinte ; mais non pas dans tous les domaines. Elle est d'acier pour tous les événements du dehors, de pierre pour les catastrophes du dedans, les plus catastrophiques soient-elles. Que les Turcs et les Russes et autres barbares se détruisent en des batailles sanglantes, que les explorateurs soient égorgés ou empoisonnés, s'agissant de ceux qui se rengorgent facilement, totalement imbus de leur personne, ou qui s'empoisonnent mutuellement, que la force brutale triomphe partout du droit, que le génie soit méconnu, la patrie outragée, Mme Billardeau n'en éprouve pas le plus léger saisissement.
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BIBLIOGRAPHIE
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DUBOIS (Jean), GIACOMO (Mathée), [et al.], Dictionnaire de linguistique et des sciences du langage, Paris, Larousse, 1999 (collection Expression), p. 187.
Le Grand Robert de la langue française, 2ème édition, Paris : Dictionnaires Le Robert, 2001, 6 vol., t. 3, pp. 330‑331, t. 6, p. 1365.
Le Petit Robert des noms propres, nouvelle édition refondue et augmentée, 2007.
REY (Alain, dir.), Dictionnaire historique de la langue française, nouvelle édition, Paris, Dictionnaires Le Robert, 1993, 2 vol., p. 2147.
Wikipédia, l'encyclopédie libre, page intitulée « Liste des figures de style », consultée en janvier 2016 à partir de : http://wikipedia.fr.



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